Montignac à l'affut

L'Affaire Saunier-Langis

Ce fut donc [Montignac] qui se mit en faction le soir même à proximité de la boutique. On était au mois de juillet, la nuit tombait assez tard. L’attente risquait d’être longue. Heureusement, il faisait doux. Autre circonstance favorable, la vitrine, protégée à cette heure par de lourds volets intérieurs, était éclairée par un réverbère situé à quelques mètres. Il n’empêche, Montignac n’était guère rassuré. Il ne passait pratiquement personne dans la rue, mais cela ne faisait qu’augmenter son malaise. À mesure que le jour baissait, sa mâle assurance s’amenuisait. Les pas qui résonnaient dans le silence de la nuit qui avait fini par tomber le faisaient chaque fois sursauter. Les silhouettes qui passaient en rasant les murs avaient toutes un aspect inquiétant. Combien de fois ne fut-il pas frôlé par un homme qui venait de commettre un crime horrible et qui n’hésiterait pas à éliminer un témoin gênant ? Son coeur s’emballait et cognait violemment dans ses tempes. L’homme s’éloignait, dédaignant d’égorger ce quidam apeuré qui attendait certainement l’heure convenue pour frapper discrètement à la porte d’une bourgeoise avec laquelle il s’ébattrait pendant que le mari cocu ronflait comme un sonneur. L’instant d’après, le miaulement déchirant de chats se querellant le faisait trembler de tous ses membres. On assassinait une pauvre femme dans une ruelle adjacente ! Montignac avait une imagination fertile. Une imagination qui, pour l’heure, lui causait d’intenses frayeurs. Il lui fallait faire un énorme effort de volonté pour ne pas abandonner son poste. Montignac, que dirait Madame Grimonpré si elle savait que tu n’avais pas plus de courage qu’une fillette ? Et Clotilde, crois-tu qu’elle aurait flanché si elle avait su que la vie de Langis en dépendait ?

L’une des ombres patibulaires qui flottaient devant ses yeux ensommeillés s’arrêta devant la bijouterie et toqua vigoureusement à la porte. Montignac se secoua. Il avait manqué de s’assoupir.